Jusqu'à présent nous avions dormi sous la tente, malgré des conditions climatiques assez difficiles. Notre remontée du Gobi, à défaut de nous offrir des paysages inoubliables (c'était quand même pas mal du tout), va nous permettre de passer deux soirées très agréables dans deux familles nomades.
Nous rencontrons la première famille au milieu de la steppe, à une bonne heure de piste du dernier bourg traversé. Comme le temps est froid et venteux, notre guide nous propose de passer la nuit sous une yourte. Nous rencontrons donc cette famille au détour d'un chemin, et avec quelques mots échangés par notre chauffeur, la famille nous invite à passer la nuit chez eux. L'hospitalité est une caractéristique importante des nomades, et la plupart du temps au cours de notre voyage, les familles qui nous hébergent ne sont pas connues de l'agence, ni même ne seront rétribuées pour le repas et l'accueil.
La femme du foyer est très énergique. D'emblée, elle nous installe coté Ouest de la Yourte (l'entrée étant toujours orientée Sud), la place des invités, et nous sert du thé salé au lait. Leur thé comprend peu de théine. Il s'agit d'herbes séchées, achetées en vrac, sous la forme de pain. C'est une boisson très nourrissante car le lait de chameau, mouton, brebis ou yak remplace l'eau. Le coté Nord est celui des ancêtres, et des meubles dans lesquels sont entreposés les biens précieux de la famille. Le coté Est est celui des hommes et de la famille, et le foyer central, est la place de la femme. La société nomade mongole est encore très matriarcale.. La femme aux fourneaux.. a ceci près que l'homme n'est pas au travail, puisqu'il passe l'essentiel de sa journée à ….. glander. Et oui, l'homme mongol donne l'impression de peu travailler (ou au rythme des bêtes...). Notre chauffeur en est l'exemple type. Et même pour se rendre d'une yourte à l'autre, pourtant distantes de 50m, il va prendre cheval ou moto, comme pour aller aux toilettes... Les enfants sont très timides. Ils ne s'approchent pas de nous comme au Népal pour se faire prendre en photo. Il faut une bonne soirée pour se faire accepter.
En plus du thé au lait, nous gouttons au fromage des nomades, qui a un goût assez aigre, mais qui n'est pas désagréable.
Nous passons la soirée à montrer des photos de la France, de Dijon, des Alpes (merci Tom), d'Orlane (très grand succès de ma petite nièce auprès de Mongols). Ils sont intéressés par savoir comment nous vivons. Nous les regardons regrouper les troupeaux pour la nuit, un des rares moments d'activité des hommes dans la journée. Le fils de la famille passe une bonne partie de la soirée à courir après les cabris pour les ramener dans l'enclos. Nous dormons dans la yourte avec la famille. L'épaisseur de la toile (peau de mouton) couplée au poêle central procure une douce chaleur et nous protège du vent.
Le petit déjeuner est l'occasion d'une nouvelle expérience pour notre famille hôte. Nous leur faisons goûter confiture de cerise, fromage au jambon (type vache-qui-rit) et café. Ils n'aiment pas trop le goût du café, mais apprécie la confiture et le fromage..
Le soir suivant, en remontant vers les montagnes de l'Arkanghaï, nous nous arrêtons chez une famille d'éleveurs de yak. Ils ont un troupeau de chèvres et mouton, mais nous allons surtout profiter des bienfaits du lait de yak. Comme souvent de prime abord, les gens que nous rencontrons sont froids et réservés. Le contact se fait par la femme du foyer, et un peu par notre interprète quand elle daigne se joindre à nous.
Notre repas du soir est composé d'une soupe de pâte (maison) mélangée à de la viande de mouton réhydratée dans du bouillon. Les bêtes sont tuées en été et à l'automne après s'être engraissées pendant la saison des pluies (juillet). La viande est mise à sécher. Pour le repas, elle est coupée en morceau, puis plongée pendant quelques minutes dans de l'eau bouillante.
La famille possède une parabole satellite, et la yourte devient le salon TV du camp. Une petite dizaine de personnes s'y entassent pour regarder un film américain (The Constant Gardner), doublé en mongol. On peut cependant entendre les voix anglaises en arrière plan.. Le tout sur une télé 36 cm en noir et blanc... Et l'électricité me direz-vous ... Les nomades ont tout simplement adopté les panneaux solaires... Ils font charger des batteries de voiture toute la journée au soleil, et les utilisent pour la télé et l'unique lampe de la yourte le soir. Le suivi du film n'est pas complet. L'unique scène un peu dénudée provoque un changement ultra rapide sur une autre chaine (le nomade est un zappeur fou). La guide nous explique que c'est pour ne pas choquer les enfants, mais les adultes ont l'air tout aussi mal à l'aise devant cette scène à la sensualité plus que limitée... Le couché de soleil fait également sortir tout le monde de la yourte afin de rentrer les bêtes.. Le travail terminé, tout le monde vient voir la fin du film.
Pour le petit déjeuner du lendemain, nous goûtons une autre spécialité blanche (c'est à dire à base de lait), le beurre de yak.. il s'agit plus d'une crème partiellement durcie au fort goût de lait. Tartinée sur du pain et saupoudré de sucre, cela fournit l'énergie nécessaire pour affronter des rigueurs du climat mongol.
Quelques jours plus tard, lors de notre « trek », nous aurons encore l'occasion de séjourner chez deux autres familles mongoles. Une jeune femme s'occupe de son petit bébé de 5 mois. Il est emmailloté façon « rosbif » dans ses langes. Bien que nous soyons mi-mai, l'enfant (un petit garçon, c'est d'ailleurs une année à petits gars en Mongolie, pas de petites filles nées chez les nomades cette année, quoi qu'en France aussi...n'est ce pas Tom et Céline !) porte plusieurs couches de vêtements et de lange pour se protéger du froid. Il est tout grassouillet, mais rien de surprenant quand on connait le régime beurre de yak & lait de yak que la maman consomme. Elle nous confie volontiers la garde de son bébé pour nous préparer du thé.
Nous dégustons également du yaourt fait avec du lait de yak. Nous retrouvons le goût acide des yaourts de notre enfance. Nous en goûtons chez plusieurs familles, et chacun aura un goût différent suivant le mode de préparation. Les seules spécialités mongoles que nous ne goûterons pas sont l'airag (lait de jument fermenté, légèrement alcoolisé) et la vodka !!!
Les soirées chez les nomades, malgré la difficulté de se comprendre, sont les meilleurs moments de ce voyage. Pour certains d'entre eux, c'était la première fois qu'ils accueillaient des touristes sous leur yourte, ou qu'ils goutaient des produits qui nous semblent communs. Nous avons eu la chance de découvrir un mode de vie qui semble avoir disparu depuis longtemps de notre civilisation.